Infrastructure en transport collectif, PPP et l’éléphant dans la pièce

7 avr. 2021  |    Économie et mobilité durable

Face aux contraintes financières des gouvernements émerge l’idée que les partenariats public-privé (PPP) pourraient régler le problème du coût des grands projets d’infrastructure en transport collectif. Or, l’idée que les PPP soient la solution magique pour minimiser le recours à l’argent des contribuables est, disons-le, trompeuse. Pourquoi ne pas reconnaitre l’éléphant dans la pièce? La véritable source du coût astronomique des grands projets est le choix que font les instances lorsqu’elles décident du mode de transport à privilégier.

L’illusion des PPP

L’idée circulant à l’effet que les PPP soient une solution pour réduire la dépendance au financement public mérite d’être mieux cadrée et comprise. Prenons l’exemple d’un projet d’investissement de 10 milliards de dollars. Il est vrai qu’en mode PPP le gouvernement débourserait moins initialement, puisqu’un partenaire privé assumerait une portion potentiellement importante des coûts. Cependant, le coût total du projet n’en serait pas réduit pour autant. Le privé ne fera pas de magie en faisant disparaitre des coûts. De plus, sa mission étant de réaliser des profits, il ajoutera un rendement sur son investissement. Avec ce type de PPP, on cherche à rentabiliser un service public qui n’a pas nécessairement vocation à générer un profit. Est-ce mauvais? Pas nécessairement, mais il faut comprendre l’impact réel à long terme pour les usagers et les contribuables. Contrairement à ce que l’on veut faire croire, ce n’est certainement pas l’aubaine du siècle!

L’inconvénient d’un PPP, c’est que les contribuables payeront indéfiniment. La facture peut devenir salée si le modèle d’affaires est basé sur un coût à l’usage dans une perspective où cet usage ne cessera de croître. C’est comme choisir entre l’achat ou la location. Les deux modèles ont leur place et répondent à des besoins, mais personne ne peut prétendre que la location est la meilleure option parce qu’elle coûte moins cher à court terme.

Les PPP sont simplement un mode de financement qu’on tente de rendre plus désirable en faisant miroiter la réduction de l’investissement initial. Et dans le cadre de grands projets d’infrastructure, cela peut devenir comme une drogue pour la classe politique. Un peu comme le principe du « achetez aujourd’hui et payez plus tard », cela peut inciter à une mauvaise consommation!

Concevoir, construire et exploiter ne coûte pas moins cher en PPP. Il est aussi illusoire de prétendre qu’il y a une meilleure gestion des risques, moins de dépassements de coûts et de retards d’échéancier dans les PPP. La qualité de la gestion d’un projet n’a rien à voir avec son mode de financement. Il y a certes des avantages, mais ils ne sont pas gratuits. La magie des PPP n’existe pas.

L’éléphant dans la pièce

Le véritable problème dans les grands projets d’infrastructure de transport collectif c’est le choix du ferroviaire et ce qu’il entraîne en coûts d’infrastructure. Peut-on admettre que ce coût est de plus en plus exorbitant et soulève des enjeux d’acceptabilité sociale?

Les PPP ne sont pas une solution pour régler un problème de coût trop élevé. Là où il faut travailler et développer des PPP, c’est dans la réduction de ce coût. Un véritable PPP « payant » pour les contribuables serait un partenariat où l’État soutient une démarche novatrice issue du secteur privé pour attaquer ce problème. Il faut faire disparaitre l’éléphant dans la pièce et arrêter de l’ignorer.

La véritable approche gagnante

Mentionnons que le secteur du transport collectif fait face à un grand enjeu qui freine les ardeurs de plusieurs investisseurs privés: c’est un marché public, souvent très politisé, où les gouvernements sont les ultimes décideurs et payeurs. Ainsi, devant le manque d’engagement de l’État pour privilégier l’innovation, les entreprises privées font preuve de réticence.

Poursuivons l’exemple d’un investissement anticipé de 10 milliards $. Imaginons un PPP non pas axé sur la construction et l’exploitation d’une solution, mais qui s’appuie sur l’innovation pour résoudre le problème du coût inabordable. Nous pourrions supposer qu’un gouvernement contribue à un projet d’innovation avec le privé l’équivalent de 0,5% à 1% du coût anticipé du projet initial (soit dans notre exemple 50-100 millions $). L’objectif de ce partenariat consisterait à développer de nouvelles technologies permettant d’offrir une solution de mobilité à très haut niveau de service répondant aux besoins du projet anticipé d’infrastructure de transport, sans la coûteuse et contraignante infrastructure ferroviaire. Le potentiel d’une telle démarche consisterait à réduire le coût total du projet d’infrastructure d’un facteur 3, ce qui le ferait passer de 10 milliards $ à quelque 3,5 milliards $. On parle ici d’un partenariat public-privé visant à partager les risques liés à l’innovation afin d’économiser plus de 6 milliards de dollars, et ce, dans un seul projet de transport collectif. Vous me direz qu’il faut ajouter les facteurs de risque liés à l’innovation et les dépassements de coûts. Même si on doublait ou triplait le coût de développement, les économies réalisées par l’État (et les contribuables) demeurent incomparables.

Utopique? Si certains parlent de développer un véhicule pour envoyer des gens sur Mars, on peut certainement mettre notre ingéniosité à développer des solutions novatrices pour déplacer plus efficacement des gens dans une ville. L’exemple est sommaire, mais ce scénario est très réaliste et c’est d’ailleurs la proposition que fait Pantero avec le concept de tram routier. Ce qu’il faut retenir, c’est cette façon différente de voir les PPP et le rôle d’acteur économique qu’ont les gouvernements.

Vers une économie de l’innovation

La volonté des gouvernements d’investir massivement en transport collectif présente une occasion unique de favoriser un véritable partage de risque en investissant en innovation pour faire face au vrai problème. L’État, en tant que donneur d’ordre, a une occasion à saisir : stimuler l’innovation pour réduire le coût de ses projets et du même coup stimuler la compétitivité de ses filières industrielles. C’est dans cette optique que devrait être envisagés les PPP en transport public.


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Jean-François Audet Président et cofondateur Groupe Pantero